Saturday, March 08, 2008

Avis de grand frais sur les formations.

Le 31 janvier 2008, un décret[1] est venu concrétiser certaines exigences de la loi[2] du 31 mars 2006 en imposant la rémunération des stages. Peu après une circulaire[3] a décliné, pour le secteur social, cette question du versement d’une gratification pour les stagiaires. Cette nouvelle disposition qui intervient alors que toutes les institutions sont en passe de boucler leur budget 2008 fait courir à court terme un risque majeur pour les formation des éducateurs.




En effet, le coût [4] que représente cette gratification sur la durée d’un stage long n’a rien d’anecdotique et n’a pas été anticipée dans l’élaboration des budgets 2008. Or, pas plus qu’ailleurs, dans le secteur social l’argent ne pousse sur les arbres et il va bien falloir trouver ces fonds. Pour les petites structures, cette nouvelle charge est tout simplement impossible à engager, pour les plus grosses, le plus souvent cela va se décider autour de choix cornéliens. Les équipes de direction risquent d’être placées devant l’impossible alternative entre prendre un stagiaire ou pouvoir remplacer les éducateurs absents car c’est souvent la seule marge budgétaire disponible.




Bien sûr la circulaire se clôt sur un encouragement aux préfets à « pratiquer une politique d’enveloppe » c’est à dire à donner un petit coup de pouce là où ça coince trop. Mais il ne faut pas trop attendre de ce type de mesures très ponctuelles.




Du coup, de nombreux stagiaires ont déjà vu leur stage s’interrompre en cours de route. De même de très nombreux établissements éducatifs vont purement et simplement ne plus prendre de stagiaires.




Il faut dénoncer sans ambiguïté cette situation impossible qui va avoir de nombreux effets :

-L’offre de lieux de stages va se réduire comme une peau de chagrin

-Des pans entiers de l’intervention des éducateur ne seront plus accessibles car, selon leurs modes de financements et leur tailles, les institutions éducatives ne seront pas touchées de la même manière.

-Sur les lieux de stage, les exigences risquent d’être revues à la hausse en particulier si les équipes sont en sous effectif en raison d’un défaut de remplacement d’éducateur absent.

Dans tous les cas la situation est très urgente et l’importance de cette disposition ne doit surtout pas être minimisée. Les préfets vont pouvoir débloquer quelques crédits pour tirer du pétrin les étudiants qui sont maintenant en panne de stage, mais cela ne sera que transitoire et, les gratifications vont s’imposer.




A plus long terme, les effets de cette disposition vont se combiner avec la toute récente réforme du diplôme d’éducateur, qui n’a rien d’une réformette. Elle transforme, en profondeur le rapport au savoir et au processus de formation. En particulier elle donne un rôle et une responsabilité accrue aux terrains de stages car le nouveau texte [5] prévoit que « Le candidat doit faire valider par les sites de stage des écrits professionnels de nature différente …//… élaborés dans le cadre des stages. L’établissement de formation transmet au jury le dossier contenant les écrits validés (3 au minimum) par les sites de stages » En clair les terrains de stages disposent maintenant d’un levier direct sur la possibilité de leurs stagiaires de se présenter au diplôme. Il va sans dire que cette nouvelle responsabilité ne peut être prise à la légère et que les diverses institutions médico-sociales doivent investir dans la qualification de formateurs-terrains mieux à même d’accompagner les stagiaires en fonction du nouveau contexte.




Les terrains de stages se trouvent donc devant la double obligation de fournir un effort important pour prévoir une organisation qui réponde à leurs nouvelles responsabilités et, dans le même mouvement, il leur est demandé de fournir une rétribution sur leurs fonds propre, des stagiaires ! Les quelques enveloppes ouvertes par les préfets ne devront pas faire illusion, de très nombreux établissements vont faire le choix de couper les ponts avec les centres de formation.




Certains étudiants se mobilisent pour trouver des issues à cette crise véritablement à même d’assécher les formations d’éducateurs. De jeunes associations comme l’ONES[6] devraient se saisir d’une telle question. De plus anciennes se sont déjà positionnées sur le principe de la gratification[7] . Mais au delà de ces questions matérielles qu’il va bien falloir dépasser d’une manière ou d’une autre, c’est aussi une véritable réflexion sur le fond ( sans pour autant occulter les aspects financiers) qu’il faut engager maintenant autour de la formation des éducateurs.




[1] Décret n° 2008-96 du 31 janvier 2008 relatif à la gratification et au suivi des stages en entreprise

[2] loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances

[3] CIRCULAIRE N° DGAS/4A15B/2008/67 du 27 février 2008 relative à la gratification des stagiaires dans Ie cadre des formations préparant aux diplômes de travail social

[4] Précisons que l'arrête du 30 octobre 2007 portant fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2008 fixe Ie plafond horaire a 21€ en 2008. Ce qui conduit au versement d'une gratification mensuelle de 398,13€ pour un stage effectue a temps plein (151,67 heures).

[5] Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’Etat
d’éducateur spécialisé

[6] objectif : ONES : vers une Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés ; site internet : http://www.ones-fr.org/

[7] Signalons la position commune des trois organisation : AFORTS – GNI – SNASEA qui dénonce ce principe sur le site : http://www.travail-social.com/spip.php?breve16

3 comments:

Maïa said...

L'association pour laquelle je travaille a gelé l'accueil de stagiaires jusqu'à nouvel ordre. Parallèlement, les directeurs d'établissement de l'asso envoient aux financeurs un estimatif annuel du coût des stagiaires. Espérons qu'une solution rapide soit trouvée.

http://ababakar.blogspot.com/

Maïa said...

Je soutiens moi aussi l'Ones, et c'est sur le site que j'y avais lu ce "Rebonds".
J'y avais exprimé mes doutes concernant la réforme du DEES, il y a quelques temps.
Je déplore également que les centres de formation de ma zone géographique ne sollicitent pas davantage l'association pour expliquer l'importance et l'intérêt de prendre des stagiaires et de devenir site qualifiant. Mais l'actualité ne favorise pas cette démarche dans l'immédiat, j'en suis consciente.

trimalcion said...

d'où la très bonne idée d'avoir mis en place un DEES par alternance... Le stagiaire est rémunéré pour le travail qu'il fait, l'employeur s'engage dans un tutorat et l'organisme de formation forme les tuteurs !